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A une amour défunte

Madame, je vous ai aimé plus que vous ne croyez.
Je vous ai aimée en espérant que cet amour serait unique
Et beau comme une aurore boréale
Et long comme un conte médiéval
Et sucré comme un loukoum.
Madame, je vous ai aimé à mourir mille fois d’angoisse
Quand mon esprit envisageait de vous perdre.
Je me voyais, vide et seul, avec comme seul réconfort
Votre image sur mon cœur.
Je vous voyais partie, blanche et inerte
Comme une oie immolée.
Madame, j’ai aimé le fruit de vos entrailles,
Mince bourgeon de vie qui s’épanouissait
En un sourire babillant et rose.
Madame, vos nuits n’ont pas été les seules
À mourir de frayeur,
Madame vos larmes n’ont pas été les seules
À noyer le drap de nos amours inertes
Madame, je vous ai perdue
Mais vous avez, sans le vouloir,
Tout fait pour me perdre.


Gertrude la sorcière amoureuse
L’histoire commence dans une petite chaumière à la sortie du village, près de la forêt où les loups viennent rôder le soir. Cette maison a, de tous temps, été une maison de sorcière... Il y a bien longtemps, dans cette maison... mais revenons à la propriétaire d’aujourd’hui. Elle s’appelle Gertrude. Elle est la cinquième fille de Gracette, sorcière célèbre dans les années 30. Gracette est la fille de Huberte, autre sorcière qui exerça ses pouvoirs en… mais peu importe ce passé révolu car notre héroïne suffit à notre histoire. Gertrude est jeune, disons vingt-cinq ans. Elle a hérité du cinquième des pouvoirs de sa mère, c’est à dire de peu de choses, ses autres sœurs ayant accaparé les pouvoirs les plus rémunérateurs. Gertrude est donc pauvre et sa renommée ne dépasse pas les limites du canton. Mais ce n’est pas ce qui la préoccupe aujourd’hui. Depuis quelques semaines une pensée l’obsède : elle est encore célibataire alors que ses sœurs sont mariées et cela, non seulement la ronge de jalousie mais la désespère quant à son avenir. Il faut savoir que, si chez les sorcières les dons de la défunte sont partagés à sa mort entre ses enfants en application du droit d’aînesse, toute naissance d’un héritier ou d’une héritière redonne à la mère un pouvoir complémentaire à celui reçu en héritage. Cette solution adoptée lors du concile de trente et un permet aux membres de la communauté de maintenir sa place dans la société. Plus la sorcière a d’enfants, plus ses pouvoirs sont nombreux et plus sa clientèle est importante et plus… vous comprenez la suite du raisonnement. Et puis une sorcière pauvre et célibataire fait peur et n’est pas crédible. Même si son pouvoir est reconnu, ne viennent la consulter que les pauvres et les gens de passage.
Gertrude médite sur son sort. Elle va se regarder dans la glace héritée de sa mère. Arrêtons-nous un instant sur l’histoire de cette glace. Il a appartenu à une reine fort puissante mais qui ne sut en faire un bon usage. A sa mort le miroir revint entre les mains de celle qui l’avait loué fort cher à cette reine défunte et très belle. La propriétaire légale de ce miroir était une ancêtre de Gertrude. La reine était la belle-mère de Blanche-Neige. Mais revenons à Gertrude. Celle-ci se déshabilla entièrement, se démaquilla avec soin, prit une douche avec la crème de bain-douche trouvée le matin dans boîte à lettre comme cadeau publicitaire. Une fois propre et parfumée elle se planta devant le miroir et lui demanda : « miroir, ô mon beau miroir, ne suis-je pas la plus belle des sorcières de ce canton ? » Le miroir, conscient de son importance lui répondit : « Si tu es la plus belle ».
« Miroir, ô mon beau miroir, ne mérite-je pas (le miroir, au fil des siècles avait étendu sa gamme de produits et proposait maintenant de répondre à diverses questions qui rendaient sa possession plus intéressante qu’à l ‘époque ou il ne se prononçait que sur la beauté de la questionneuse) de trouver un mari ? »
« Si, tu mérites de trouver un mari »
« Miroir, ô mon beau miroir,… « on ne va pas faire le tour de toutes les questions que posa Gertrude car elles se résument en une seule question : oh ! ce mari c’est pour quand ?
Le miroir était, non seulement bien embêté mais aussi fatigué de l’insistance quasi quotidienne de Gertrude. C’est vrai que débarrassée de ses oripeaux de sorcière, elle était appétissante la petite Gertrude : visage avenant, taille fine, jambes élancée, gorge bien galbée et de bonne tenue, fesses pommées et musclées. Un joli brin de fille se dit le miroir qui se dit également : « si j’étais un homme, je lui ferais bien une petite cour à la Gertrude ». Mais ce n’est pas le miroir qui nous intéresse aujourd’hui, c’est Gertrude.
Gertrude se coucha, à la fois rassurée mais aussi dubitative sur son sort. Elle s’endormit en laissant au sommeil le soin de lui suggérer la solution à son problème. Arrêtons-nous un instant sur le sommeil. Contrairement à ce que l’on croit généralement le sommeil n’est pas un état d’un être vivant dans une période de repos et de non activité. Le sommeil est un génie, un elfe ou un ange gardien si vous préférez, qui est attaché à chaque être humain à sa naissance. Son rôle a été défini par différents décrets parus au fil de la législature céleste. Il doit filtrer les pensées, orienter les actions, définir les stratégies et mettre tout l’organisme en phase de fonctionnement optimal. Monsieur Sommeil s’empare de nous et nous fait faire ses quatre volontés, quand il veut et ou il veut. Il utilise son pouvoir dictatorial à sa discrétion et il faut un grand effort de volonté pour échapper à ses ordres. Ce jour-là, le Sommeil de Gertrude prit conscience du problème de sa protégée. Il se sentit investi d’une responsabilité nouvelle et gratifiante : trouver pendant la nuit le moyen de donner à Gertrude un époux digne d’elle. La tâche était délicate et les obstacles nombreux. Diverses solutions étaient envisageables. Demander à son confrère monsieur Hasard d’intervenir, relevait de la fuite des responsabilités. Et puis on ne pouvait guère faire confiance à Hasard. Demander à Belzébuth de fournir l’impétrant était une solution de facilité. Les candidats n’auraient pas manqué parmi les faunes composant sa cour mais la contrepartie risquait d’obérer l’avenir de la petite Gertrude. Utiliser le canal des petites annonces dans le journal des sorcières relevait de l’indigence manifeste de l’imagination. Sommeil réfléchit et finalement opta pour la solution la plus simple et la plus évidente : suspendre les activités de sorcière pendant un temps, disons un an, lui donner un autre métier lui permettant de faire des rencontres de qualité donc de trouver le mari adéquat. Les capacités de sorcière de Gertrude étant momentanément cachées, le bon mari ne serait pas attiré par une situation enviable et prestigieuse. Il choisirait Gertrude uniquement sur ses qualités d’humaine normale. Ce grand pas étant fait Sommeil se mit au travail et organisa dans l’inconscient de Gertrude un rêve en adéquation avec l’objectif poursuivi. Par jeu Sommeil agrémenta le rêve de quelques séquences érotiques du plus mauvais goût. Nous ne dévoilerons pas au lecteur non abonné le détails des ces activités lubriques. Le lecteur abonné et à jour de ses règlements pourra consulter, sous sa responsabilité, le détail du rêve de Gertrude sur le site : http://www.balaidudiable.com
Bien évidemment ce projet ne pouvait se réaliser qu’en cachette de la société des sorcières. Le projet ne fut donc pas présenté au conseil qui se tient tous les jeudis à 17 heures. Pourquoi 17 heures ? Nous en parlerons un autre jour, dans un autre siècle.
Gertrude se réveilla de bon matin et se souvint de tous les détails de son rêve. Elle était émerveillée de la clarté de ses pensées et comprit tout de suite la valeur du projet qui se développait dans sa tête. Elle allait se faire libraire spécialisée dans les livres anciens et ésotériques. Parmi les clients il s’en trouverait bien un qui s’intéresserait à elle, uniquement à elle et non pas à ses dons de sorcière. De plus elle pourrait en voyant ses choix de livres quels seraient ses centres d’intérêt et donc deviner si sa personnalité pourrait s’accorder avec une sorcière. Elle voyait déjà l’image de l’homme qui la séduirait. Elle transforma sa garde-robe de sorcière en garde-robe de femme fatale (également du noir mais d’un noir brillant avec dentelles, fanfreluches et accessoires assortis), ferma à double-tour sa petite maison et accrocha sur la porte un écriteau : fermeture de l’agence pour congé sabbatique jusqu’au xx/xx/xxxx.
Telle Perrette allant au marché elle partit vers la ville d’un pas léger. Elle vit plus d’un homme se retourner sur son passage, ce qui lui sembla de bon augure. Nous ne nous attarderons pas sur le détail de ses recherches, sur la voracité des agents immobiliers ou le mauvais état des locaux proposés. Au bout de quelques semaines elle trouva le bijou recherché : une petite librairie ancienne dans une petite ville d’une petite province du sud de la France. Le fonds de livre méritait attention bien qu’il soit nécessaire de le compléter. Le prix était raisonnable et l’affaire fut vite conclue. Vous me direz, comment une sorcière pauvre peut-elle acquérir un fonds de librairie ? Vil narrateur ne galèges-tu pas ? Que nenni, lecteur attentif et vindicatif. Gertrude souscrit un emprunt auprès de la banque des sorcières (qui, comme toutes les banques, ferma les yeux sur sa situation en rupture de contrat moral de sorcière): cinquante mille écus en bel et bon or sur dix ans aux TEG de 7,777 % hors assurance (Bigre, elles se goinfrent grave les sorcières). Il ne lui fut pas difficile de convaincre un banquier de transformer ce bel or en euros sur un compte domicilié dans les Iles Vierges. Attardons-nous un instant sur les banquiers : Le banquier apparut dans l’univers avant Dieu et ils le créèrent de toutes pièces en lançant un emprunt auprès de constellations désireuses de se créer un petit capital de vie. C’est la voie lactée qui proposa le montant le plus important et qui souscrivit à plus de 70% de l’emprunt. Cela lui donna le droit de voir utiliser son territoire pour créer l’entreprise vie. Une fois créé Dieu ne fut jamais montré à personne, car il n’était pas très réussi, sauf à quelques illuminés qui en firent un éloge qu’à titre personnel je trouve un peu exagéré. Dieu choisit une planète vivable et commença à créer la vie pour répondre aux objectifs des banquiers. Peu expérimenté la vie qu’il créa fut d’abord assez primitive mais il apprit vite et ma foi le résultat fut assez satisfaisant. Les dividendes furent rapidement conséquents et pour gérer cet afflux de richesses les banquiers initiateurs du projet envoyèrent leurs émissaires sur terre pour mieux contrôler et gérer les affaires. Ce furent d’abord les juifs, puis les auvergnats et enfin plus voraces encore les golden boys. Mais revenons à Gertrude, nettement plus attirante que les banquiers et leur généalogie dont nous reparlerons dans un autre chapitre.
Gertrude s’installa dans sa petite librairie, compléta son catalogue par quelques ouvrages ésotériques : alchimie, magie noire et blanche, études cabalistiques, astrologie, petit et grand Albert, tout cela glané chez les sœurs, tantes et oncles tout contents de se défaire de ces livres jaunis et fragiles maintenant que tout avait été transféré sur CD par la grâce de l’informatique. Elle conçut un marque-page à son blason pour offrir aux bons clients et elle attendit. Les visiteurs ne manquèrent pas mais peu furent acheteurs. Presque tous cherchaient ou des romans récents ou des manuels d’informatique (petite fenêtre XPT pour les nuls, office religieux 2015 etc.) ou pire encore des livres sur l’amour et ses pratiques. Gertrude sentit vite que sa culture était en net décalage avec celle de ses contemporains. Elle désespéra et faillit tout laisser tomber. La sorcière banquière qui lui avait accordé son emprunt et qui surveillait ses résultats s’alarma et lui rendit une visite au cours de laquelle elle sermonna vigoureusement Gertrude en lui enjoignant d’obtenir rapidement des résultats. Elle fit des suggestions sur différentes solutions parmi lesquelles une retint l’attention de Gertrude : utiliser Internet pour avoir accès à une plus large clientèle afin de trouver les quelques spécimens encore vivants s’intéressant aux sciences ésotériques.
Elle ajouta à son catalogue quelques livres de poésie, de philosophie, sociologie et psychanalyse des profondeurs. Elle apprit à utiliser l’ordinateur, s’inscrivit à un site de vente de livres en ligne et attendit. Les résultats des ventes furent un peu meilleurs sur le Net qu’en boutique mais les résultats de sa recherche matrimoniale furent décevants. Quelques clients lointains et isolés entreprirent bien une correspondance suivie mais essentiellement pratique ou culturelle. Un seul lui fit une cour assidue mais il était marié, âgé et manifestement un peu paranoïaque. Par désœuvrement elle fit semblant d’être sensible à ses compliments mais n’alla pas plus loin plus par crainte de perdre un client que par indifférence.
L’aventure de Gertrude semblait bien mal démarrée. Sommeil se mordait les doigts devant l’échec de sa stratégie, la banquière s’impatientait et Gertrude se désespérait.
Un matin de printemps, c’était un lundi, au lieu de se rendre à la boutique où seuls les souris et les termites s’activaient, Gertrude s’habilla gaiement, abandonna le tailleur noir habituel pour une petite jupe courte qui mettait en valeur ses merveilleuses jambes, un polo au décolleté avantageux et un petit blazer fleuri qui était en parfaite harmonie avec l’air léger de ce matin de printemps. Et elle prit le car pour une grande ville de la côte dont les beautés architecturales l’avaient toujours émerveillée. Elle arriva sur le coup de dix heures gaie et pimpante et s’assit à une terrasse de café de l’allée la plus célèbre de cette ville. En buvant son café elle laissait rôder ses yeux sur tous les mâles jeunes qui passaient. Certains ne voyaient rien, c’étaient des cadres de banque obsédés par les taux d’intérêt, les cours de la bourse et le taux de conversion de l’euro. D’autres avaient soudain envie d’un petit noir en terrasse et s’arrêtaient en prenant une table le plus prêt possible de Gertrude. Après quelques minutes la terrasse était entièrement occupée et les conversations allaient bon train car presque tous ces jeunes gens, commerçants de la ville, se connaissaient. Le premier prétexte venu servit à entamer la conversation avec Gertrude. Une invitation à déjeuner ne fut pas longue à être proposée. Gertrude accepta sans façon car la figure du jeune homme était avenante et son regard franc. La journée passa comme un éclair. Le soir venu Gertrude rentra chez elle, le cœur en fête. Le lendemain elle récidiva en ayant l’impression de faire l ‘école buissonnière. La journée fut aussi radieuse que la veille. Le même jeune homme la retrouva à sa terrasse. Au bout de quelques jours Gertrude accepta une invitation pour le soir. Vous devinez ce qu’il s’ensuivit. Le lendemain Gertrude reçu sur son réseau télépathique une convocation devant le tribunal des sorcières. Elle n’en fut pas étonnée. L’audience fut infernale. Gertrude n’avait aucun argument acceptable à opposer aux juges qui l’accablaient de reproches : quand on est sorcière on reste sorcière, point. On lui donna à choisir entre démissionner (ce serait dans cette hypothèse la deuxième démission depuis l’apparition des sorcières sur terre. La légende veut que la première soit Marie qui fut plus tard déclarée vierge et sainte et devint la mère d’un fils de Dieu), ou s’engager fermement dans la profession de ses ancêtres. Gertrude choisit de démissionner en gardant son âge réel et juste un petit don d’astrologue qu’on lui accorda sans rechigner, ce pouvoir étant fort dévalorisé par tous les charlatans exerçant le métier d’astrologue sans en avoir les compétences. Elle devait néanmoins rembourser son emprunt, ce qu’elle négocia avec astuce. Elle revendit son fonds à un confrère, sorcier confirmé qui se servit de cette librairie comme couverture officielle. Elle put ainsi rembourser 80% du capital emprunté, le reste étant remboursable en dix ans sans frais. Elle garda sa petite maison à la sortie de la petite ville. On ne sait jamais de quoi l’avenir est fait. Elle épousa son adorateur qui était imprésario de spectacle et qui transformait de parfaits petits (et petites) crétins sans dons en vedettes éphémères de la chanson. Un sorcier en un mot. La sorcellerie avait changé d’époque et de méthode. Qui s’en plaindra ?
Hyppolite Chlorate
le renard et moi
Lorsque j’étais jeune, il y a de ça bien longtemps j’étais un jeune homme solitaire et farouche qui ne se plaisait que dans les bois ou sur son canoë à remonter la farouche rivière de Seine. Ma femme vous dirait que je n’ai guère changé. Dès la fin de l’école ou plus tard en fin de semaine lorsque je travaillais je partais, à pied vers la forêt la plus proche. C’était la perspective de l’aventure qui me poussait mais aussi celle de ne plus avoir de parents ou de frères casse-pied sur le dos. Nous habitions en banlieue d’une grande ville et j’arrivais vite sur des chemins à travers champ. Je passais successivement à la limite du champ d’aviation, on ne disait pas aérodrome à cette époque, puis à proximité d’un terrain militaire qui devait être un dépôt de munitions. J’arrivais assez vite dans ma forêt dont je connaissais tous les chemins layons et massifs. Collectionneur d’insectes je relevais mes pièges à coléoptères (carabus intricatus et carabus aurinitens) et je marchais silencieusement espérant débusquer l’animal farouche comme le sanglier ou la biche. Cela m’arrivait parfois mais la plupart du temps je ne trouvais rien de bien extraordinaire. La forêt en question se terminait sur des falaises surplombant la Seine et de nombreuses grottes étaient creusées dans ces falaises. Certaines, de grande taille avaient été creusées par l’homme, d’autres parfaitement naturelles n’étaient accessibles qu’aux fouineurs comme moi. J’en avais repéré une dont l’entrée était à quelques mètres au-dessus du chemin que je prenais souvent et l’ouverture était étroite mais assez large pour qu’on puisse y pénétrer à plat ventre. Un certain hiver où je m’étais laissé surprendre par la nuit je décidais de passer la nuit dans cette grotte. Il y faisait presque chaud en comparaison de la température extérieure. M’étant allongé, la tête sur mon sac à dos j’ai vite aperçu accrochées au-dessus de moi la colonie de pipistrelles qui avait décidé d’hiverner dans cette grotte. Cela me fit sourire, je me sentais moins seul. Quelques temps après je fus réveillé par un bruit insolite. C’était un renard qui surpris comme moi par la nuit venait se mettre à l’abri dans cette grotte qu’il devait bien connaître. J’allumais ma lampe de poche, il me regarda et sans marquer la moindre frayeur se coucha lové, le nez au chaud dans sa queue. J’éteignis ma lampe et j’essayai de dormir.
Sans surprise j’entendis le renard me demander :
- Dis-donc toi que fais-tu là ?
- Comme toi je suis venu dormir au chaud dans cette grotte ou je viens de temps en temps.
- Je te connais, tu viens souvent dans cette forêt et tu n’as jamais de fusil.
- Que ferais-je avec un fusil ?
- Tu fais l’imbécile ou quoi ? Tu ignores l’existence de chasseurs qui adorent tirer un renard ?
- Non bien entendu je connais les chasseurs mais il ne m’est jamais venu à l’idée de m’armer pour tuer un animal de la forêt. Je viens observer, savourer le silence, les odeurs, les parfums des arbres en fleur au printemps. Puisque nous n’avons pas sommeil ni l’un ni l’autre, raconte moi un peu ta vie su je ne suis pas indiscret.
- Avec plaisir, j’aime bien parler et comme en ce moment je suis célibataire, les chasseurs ayant tué ma compagne, je n’ai pas beaucoup d’occasions de parler.
C’est ainsi que j’ai découvert la vie en forêt vécue par un renard. Il m’a appris plein de choses que malheureusement je ne peux pas utiliser, n’étant pas un renard. Mais j’ai pris conscience de l’importance des odeurs et des petits bruits que d’habitude j’ignore superbement. Mis en confiance mais avec la crainte de le vexer je lui parlais des renards voleurs de poule. Une légende bien faite pour ignorer les vrais coupables me répondit-il.
- Nous les renards nous sommes omnivores comme vous et notre nourriture se compose essentiellement de mulots, musaraignes, fruits, insectes divers que la forêt met à notre disposition. Nous jouons un rôle essentiel dans l’équilibre de la nature et ce sont vos chasseurs qui sont des nuisibles. Je voudrais que tout au long de ta vie et partout où tu iras tu défendes notre cause en expliquant le rôle que nous jouons dans la nature.
Cette conversation prit fin aussi simplement qu’elle avait commencé. Nous nous sommes endormis simultanément. Le lendemain matin je me suis réveillé seul. Le renard était déjà parti. Je me suis toujours souvenu de cette rencontre et de la promesse qu’il m’avait fait faire. Il se trouve, heureux hasard, que j’ai élevé pendant plus de 10 ans des poules dans ma petite campagne. J’ai eu plein de poussins et pour des raisons qui me restent mystérieuses je n’ai jamais pu en tuer une. Elles mouraient de vieillesse, pas de maladie car je les soignais bien. Elles étaient nourries au grain que j’achetais à un cultivateur du coin. Quand j’en trouvais une morte au matin j’allais la mettre dans un trou peu profond au pied d’un arbre dans le champ derrière chez moi. Le renard du coin a du m’en remercier plus d’une fois.
Une belle matinée
Ce matin donc je me suis réveillé de bonne heure et je me suis levé sans trainer. Mon chien Oscar n’attendait que ce moment pour se précipiter vers la porte pour aller faire ses besoins.
J’ai donc pu déjeuner tranquillement en pensant à mon programme de la matinée. J’irai bien vers le champ de blé du voisin voir si la biche que je vois de temps en temps à la lisière de la forêt a pu donner naissance à son faon. Je sais que les biches aiment bien mettre bas dans un champ de blé ou d’avoine, ce qui, avant l’apparition des tracteurs assurait une relative sécurité vis-à-vis des loups et autres carnassiers. Je pourrais ensuite aller du côté de l’aérodrome regarder les avions dont j’ai toujours rêvé. Gamin, juste après la guerre, je collectionnais les images des avions de chasse et j’ai passé des heures à lire et relire le livre de Pierre Clostermann, le grand cirque.
Bon, Oscar vient de rentrer et réclame sa pitance. Le reste de bourguignon d’hier fera surement l’affaire car j’ai prévu autre chose pour ce midi. Effectivement Oscar a torché la gamelle en deux temps, trois mouvements.
La toilette vite expédiée je me suis habillé légèrement mais avec aux pieds mes rangers de l’armée avec lesquelles je n’ai jamais d’ampoules au pied et que j’entretiens soigneusement. Par contre je me coiffe de mon vieux chapeau.
C’est Oscar qui choisit le parcours sans me demander mon avis. Etant d’un caractère docile (quoi ?) je le suis sans protester. Contrairement à son habitude il ne court pas vers la forêt mais vers la route qui va vers la Ferté-Macé. Sagement il marche sur le bas-côté puis au carrefour de l’aérodrome à l’entrée de la forêt il prend cette petite route, peu fréquentée et bordée par la forêt d’un côté et d’herbages de l’autre côté. Arrivé à la petite croix de 1624 il marque son territoire comme d’habitude.
Nous continuons la balade, Oscar reniflant tout, à droite comme à gauche et nous arrivons au champ qu’occupe une jeune femme et ses trois chevaux et que j’ai déjà vue mais je ne m’étais pas arrêté pour la saluer de peur de l’effrayer. C’est Oscar, toujours curieux de rencontres nouvelles qui va vers elle et lui renifler les chaussures. Je m’approche, je dis à Oscar : « sois poli Oscar, dis bonjour avant d’être indiscret » Oscar me regarde se retourne vers la jeune femme et la regarde avec un petit « ouaf » joyeux. La jeune femme souris et le dit : « votre chien est adorable, vous l’avez depuis longtemps ? »
- Ce chien est le chien de mes voisins qui vient me chercher tous les matins quand ses maîtres sont partis travailler croyant Oscar bien enfermé dans son enclos. Mais Oscar a trouvé le moyen de s’échapper et vient m’appeler pour partir en balade. Cela dure depuis plusieurs semaines et Oscar sait à quel moment il doit rentrer et faire croire qu’il n’a pas bougé. C’est un épagneul breton et il n’y a que la chasse qui l’intéresse. Moi je l’adore pour plusieurs raisons : j’ai toujours aimé les chiens et j’en ai eu deux chez mes parents ensuite il ne m’oblige pas à parler comme le fait mon épouse qui ne peut pas faire trois pas sans démarrer une discussion sur un sujet qui ne m’intéresse généralement pas. Avec Oscar je peux m’arrêter pour regarder une fleur ou écouter un chant d’oiseau. Mais voilà qu’aujourd’hui c’est moi le bavard et je vous ennuie certainement.
- Vous ne m’ennuyez pas au contraire et j’apprécie votre discours qui n’est pas celui d’un dragueur comme j’en vois passer de temps en temps.
- Parlez moi de vos chevaux qui semblent intéressés par notre discussion.
- Ce sont de vrais curieux comme Oscar. Je suis amoureuse des chevaux depuis ma petite enfance et comme mon ami travaille et que je déteste les travaux ménagers que j’expédie au plus vite les chevaux me permettent d’occuper mes journées. Mon ami me dépose là le matin avec une citerne d’eau dans la remorque et mon casse-croûte et me reprend le soir en rentrant de son travail. Voilà que je raconte ma vie à un inconnu. Excusez-moi.
- Ne vous excusez pas et parlez-moi de vos chevaux
- Ce sont des cobs normands que j’ai acheté à un manège qui a fermé. Je ne connais pas leur âge exact mais ils doivent avoir entre 5 et 10 ans. J’ai travaillé plusieurs années dans un élevage comme palefrenier mais c’était trop dur et trop loin du travail de mon ami. Venez les voir de plus près. Maintenant qu’ils nous ont vu discuter un certain temps ils ne vont pas avoir peur de vous. Ils sentent très bien les caractères des humains.
- Je me suis approché des chevaux et nous avons sympathisé à l’aide de caresses et de gratouilles.
- Ils s’appellent Stark, Picki et Rocco. J’ai plein de projets avec eux mais il faut que je trouve un ou une compagnon(e) pour partir à l’aventure avec eux.
Trop d’idées commencèrent à germer dans ma tête, j’ai salué cette jeune femme en lui souhaitant une bonne journée et Oscar a compris que nous repartions vers l’aérodrome.
Au bout de quelques pas je me suis retourné et revenant vers elle je lui ai dit que nous nous reverrions certainement bientôt en ajoutant : « je m’appelle Hippolyte et vous ? »
« Elisabeth » me répondit-elle avec un grand sourire.
Mon cœur s’est arrêté de battre : c’était trop énorme. Mon Elisabeth qui me poursuivait depuis mon enfance était là, tout près de moi avec ses chevaux prêts à partir. J’ai repris ma route et soudain le projet de voyage de noces que j’avais proposé à ma fiancée en 1960 m’est revenu en mémoire : partir à cheval faire un tour en Normandie. J’avais tout organisé mais mademoiselle a refusé. Le voyage de noce s’est passé sous la pluie avec le scooter d’un ami d’enfance et nous avons atteint Saint-Martin-aux-Buneaux.
Et puis le monde réel a repris sa place : mon âge s’est appuyé sur les épaules, Les petits bonheurs savourés avec mon épouse se mirent à tourner en rond en chantant « Dansons les capucines… »
L’aventure est arrivée trop tard, mais elle restera un beau souvenir.
Mon tapis volant
Ça ne se fait plus les tapis dans une maison. Ça ne se fait plus, encore moins dans une chaumière à la campagne. Et pis avec des chats ce n’est pas facile à entretenir, non ce n’est pas facile.
Vous imaginez un Tebriz d’Iran dans ma chaumière. Non ? Et bien si j’en ai un. J’ai aussi un Sarab, un Beloutch et un Garagan. Que des tapis de laine à points noués à la main.
Etonnant non ?
J’aime bien mes tapis et mes chats aussi. Mes chats mangent tous les matins sur un Sarab devant la bibliothèque.
Au pied de mon lit j’ai un Beloutch. Je l’ai acheté en 2004. Il est toujours aussi beau malgré ses petites imperfections. Quand je les examine je pense à la jeune femme qui l’a exécuté et qui a du se faire gronder par le contremaître pour ces petites erreurs de point décalé. C’est le soir alors que je lis dans mon fauteuil crapaud rapporté de Suisse que mon regard se porte inéluctablement sur les défauts de ce tapis. Attention, ce sont des défauts mineurs que seul un examen attentif et pointilleux fait découvrir. J’aime bien aussi ce fauteuil crapaud dont l’inclinaison du siège et du dossier procure un confort inestimable pour mon dos fatigué. Les accoudoirs sont à la bonne hauteur. Je pourrais être dans mon auto, ce serait la même sensation. Je suis bien assis pour lire et contempler mon tapis. Je ne vous ai pas dit sa couleur ? Rouge avec des dessins géométriques blancs et noirs. Il est installé entre le lit et la fenêtre. Je n’ai jamais pu le mettre entre le lit et l’armoire. IL faut qu’il soit sous la fenêtre. Les rayons du soleil ou de la lune ne l’ont jamais ni dérangé ni n’ont délavé sa belle couleur. C’est un très beau tapis, bien calme.
Bien souvent après avoir longuement contemplé mon tapis mon esprit s’égare ou s’envole si vous préférez. Je refais les voyages qui me conduisent de chez moi à la ville lointaine ou habite ma fille. Je revois la route dans ses moindres détails sans toujours me souvenir des noms des lieux traversés mais l’image est toujours très nette. Je vois la route sans les soucis de la conduite réelle. Pas de bruit, pas de camion fou ou de conducteur imprudent. Je peux quitter la route des yeux et m’élever un peu pour examiner le paysage alentour..Je fais à chaque fois un beau voyage. Et puis la lecture me reprend. Mon tapis soupire d’aise, ça a été un beau voyage.
Incroyant sans regret
Après avoir bien réfléchi je suis allé voir Dieu pour lui dire que je ne croirais jamais en lui quelles que soient les différentes religions qui le soutiennent.
J’ai bien mérité sa réponse :
« Des croyants j’en ai plus que nécessaire alors un de plus ou un de moins que veux-tu que ça me fasse ? De toute façon tu serais un mauvais disciple car je te connais tu critiques tout et tu n’es d’accord sur rien. Je me souviens bien de ce que tu as écrit dans ton ridicule petit site : dans Brain storming divin, tu t’es moqué de mon fils, Jésus et dans un rêve étrange tu m’as rendu ridicule dans un jeu de lancer d’auréoles.»
Il ajouta : « Et n’essaye pas de faire partager ton incroyance à d’autres, j’ai déjà assez de mal à les garder tous sous ma coupe. Alors tiens-toi au large, je t’ai à l’œil.
- Pas de souci Dieu, je ne vais pas perturber ton troupeau de brebis bêlantes je rejoins les animistes.
Dieu : mort de rire !!! Ils existent encore ceux-là ? J’étais convaincu de les avoir tous convertis. Au fin fond de l’Amazonie il doit bien en rester quelques-uns je le reconnais.
- Grave erreur, des animistes il y en a partout dans le monde mais ils ne cherchent pas à créer une nouvelle religion. L’animisme est la croyance en un esprit, une force vitale, qui anime les êtres vivants, les objets mais aussi les éléments naturels, comme les pierres ou le vent, ainsi qu'en des génies protecteurs.
Dieu : mais je ne vois pas de différence avec les religions que j’ai créées.
- Oh mais que si, il y a une différence : Les animistes n’ont pas de pape, de pope, de dalaï-lama, de bible, de coran, de talmud, de temples, de mosquées et autres colifichets. Un animiste essaye de comprendre le monde vivant, d’en ressentir les liens, les forces sans se laisser enchaîner par le duo « croire ou ne pas croire ».
Dieu : Ok, Hippolyte tu auras toujours raison. On arrête la discussion, je vais aller parler à mes ouailles.
- C’est ça, va recruter de nouvelles âmes, moi je vais aller parler à mes chênes et mes chats.
Ma femme de ménage
Il y a peu de temps ma fille préférée m’a offert pour mon anniversaire un livre intitulé « La femme de ménage ». Ça partait d’un sentiment filial bien sympathique. J’en ai été bien heureux et j’ai rapidement ouvert ce livre et horreur je l’ai refermé après avoir lu le premier chapitre. J’ai cherché pourquoi je n’arrivai pas à poursuivre la lecture de ce livre que ma fille avait bien aimé et très à la mode cet été, dixit la presse que je lis quotidiennement. Des livres à l’intrigue effrayante j’en ai lu beaucoup toute ma vie. Je ne comprenais pas pourquoi je butais sur celui-là. Je me suis lancé dans une introspection minutieuse : Peut-être que je passe par une période dépressive ou je deviens gâteux et ne peux plus lire que des livres au parfum douceâtre comme ceux que je lisais au moment de la réception de ce livre. Je suis revenu à mes romans policiers préférés mais la question continuait à me tarauder : pourquoi je n’arrivais pas à dépasser le premier chapitre ? Je me suis dit : tu passes un mauvais moment, alors reprends-toi. J’ai donc téléchargé ce livre sur ma liseuse habituelle pour conjurer le sort. Et même réflexe, rejet total.
Hier j’ai eu un flash en voyant ma femme de ménage passer l’aspirateur. J’ai réalisé que je suis marié depuis 28 ans avec ma femme de ménage. Et j’ai tout compris. Depuis 28 ans elle tisse sa toile et prépare ma fin pour vivre une autre vie que celle de femme de ménage d’un vieillard sénile.
Voilà pourquoi je ne peux pas lire « la femme de ménage ». J’ai peur de ma femme de ménage.
Concentrateur d'espace temps
J’ai toujours su, inconsciemment que l’espace-temps n’était pas figé ni incontrôlable. Il suffisait de chercher le bon moment et le bon endroit pour découvrir la capsule de concentrateur d’espace temps.
Avant de dévoiler les secrets de cette capsule il importe de retracer le cheminement qui m’a permis de la découvrir et de m’en servir.
Le premier signe qui m’a alerté m’est apparu alors que j’avais 5 ans. Une nuit j’ai fait un cauchemar dont je garde encore le souvenir : j’assistais à un spectacle de cirque avec mes parents. Sur la piste un clown grotesque faisait les pitreries habituelles destinées à égayer les spectateurs. Ce clown ne me plaisait pas et je ne comprenais pas ses plaisanteries. Soudain il se mit à enfler, à prendre peu à peu la forme d’un nuage qui grossissait jusqu’à m’envelopper pour m’étouffer. Je me suis réveillé en hurlant.
J’en suis sûr aujourd’hui, c’était ma première rencontre avec la capsule concentrateur d’espace temps.
Au fil des années je me suis mis à la recherche de cette chose qui pendant longtemps n’eut pas de nom ni de définition. Je cherchais, point. Je cherchais essentiellement la nuit pendant mes rêves ou le jour quand je me renfermais dans ma capsule mentale pour échapper au quotidien et ses vicissitudes. Inutile de se déplacer. Mon esprit prenait son envol et je partais en voyage à la recherche de cette capsule qui me donnerait le pouvoir de remonter le temps ou d’anticiper son déroulement. J’ai peu à peu pris conscience que le champ magnétique terrestre jouait un rôle dans l’endroit où se tenait cette capsule. Alors j’ai cherché sans trêve. Bien évidemment mon entourage a fini par comprendre que je vivais dans un monde qui lui était inconnu et interdit. Pour éviter les questions oiseuses je pratiquais les relations minimum. Je m’étais constitué un petit dictionnaire des phrases et réponses incontournables, pratiquées naturellement par tous sauf par moi, pour faire croire que je vivais dans le même monde : Bonjour, comment vas-tu, belle journée, il fait frais ce matin, et les enfants ça va, ta mère.. etc…. Pendant que nous échangions ces paroles conviviales mon esprit tournait dans un autre domaine. Un exemple : pendant que je discutais avec un voisin de l’évolution des prix, mon esprit, en réalité était occupé à la dissection de son cadavre. Au moment où d’un coup de scalpel précis j’ouvrais son abdomen il poussa un petit cri en ressentant une violente douleur à l’abdomen. La première fois j’ai été aussi surpris que lui mais j’ai ressenti à partir de ce moment la joie d’être sur la bonne voie. Je pouvais maintenant anticiper sur les événements. J’approchais tout doucement de la capsule.
Les années ont passé sans que je découvre l’objet de ma quête mais peu à peu d’autres indices se sont mis en place. Je me suis trouvé un refuge secret pour continuer les recherches sans être importuné par mes semblables. Cet endroit se trouve au flanc d’une montagne où j’avais repéré la force du champ magnétique qui s’y développait. Là je me suis construit un abri difficile à repérer à l’entrée d’une grotte naturelle où je n’avais pas voulu m’installer, réservant cette possibilité qu’en dernier recours. J’ai passé là des heures inoubliables. Alors que j’avais complètement oublié ma recherche, celle-ci se manifesta à nouveau de la manière suivante : Assis sur le petit banc devant ma cabane, je rêvassais tout en observant le petit monde d’insectes qui tournait autour de moi indifférent à ma présence. Une libellule est venue se poser sur mon genou et me regarda avec une insistance que je ne pouvais ignorer. Comme une bulle de savon, une sphère transparente s’est formée autour de sa tête qui peu à peu se transforma pour devenir un visage humain que j’eus du mal à reconnaître. Pensant être la victime de mon imagination j’ai cligné plusieurs fois les yeux pour voir enfin distinctement le visage de ma mère. Elle parlait mais je n’entendais rien. La vision dura quelques secondes et disparut en même temps que la libellule. Manifestement j’avais rêvé éveillé mais cette vision resta très nette dans ma mémoire. Le lendemain je n’y pensais plus.
Vol solitaire
Soyons clairs : c’est mon esprit qui vole : le corps physique reste à sa place. Attention ce n’est pas un rêve éveillé. C’est mon esprit qui prend son autonomie et son envol. Les vieux chamanes auprès desquels je me suis instruit me l’ont maintes fois répété : l’esprit que ce soit d’un humain, d’un animal ou d’une plante est le seul maître de la vie. Bien entendu tout le monde pourrait voler mais il y a des êtres qui le font naturellement comme moi dans mon enfance et d’autres qui doivent s’instruire, chercher la bonne voie pendant longtemps avant d’y parvenir ou pas. Être doué ne suffit pas, il faut s’instruire auprès d’un maître confirmé.
Revenons à mon vol du jour. Par simple curiosité j’ai fait un crochet par Troyes pour m’approcher de Claire, ma fille aînée mais j’ai ressenti de mauvaises ondes et j’ai passé mon chemin. Arrivé à Lons-le-Saulnier le me suis arrêté devant la fenêtre de l’appartement de Fanny que j’ai vue jouer avec son chat Paul. Instant fugace de bonheur mais pas question d’aller plus loin, elle n’est pas encore prête à échanger dans le monde des esprits. Je l’ai sentie sur la bonne voie, sereine, épanouie : elle est sortie du bourbier dans lequel elle a été engluée pendant quelques années. Rassuré je suis parti vers Vuillafans où j’ai trouvé Amandine fort occupée à masser une mamie aux articulations noueuses. Là j’ai ressenti un monde rigoureux, rationnel, aucune chance de communiquer avec elle, du moins pour l’instant. Plutôt que de faire un tour vers Belfort où habite mon fils j’ai décidé de tenter ma chance auprès des esprits des morts de la famille. Je souhaite depuis longtemps communiquer avec ma grand-mère paternelle que j’ai beaucoup aimée pendant ma jeunesse. J’avais un peu peur qu’elle ait disparue mais j’avais un petit espoir : elle était décédée en Afrique ou sa fille Germaine qui était aussi ma marraine l’avait fait venir. Elle avait dû fréquenter le marabout du village et profiter de sa science car son esprit était toujours présent. Retrouver le monde des esprits envolés depuis longtemps n’est pas aisé, il faut se concentrer davantage mais j’y suis arrivé. Elle a été ravie de me revoir et nous avons papoter un moment avec ma marraine qui est venue se joindre à nous. Sentant la fatigue arriver je les ai laissées en promettant de revenir un jour pour rencontrer mes parents auprès desquels j’ai une dette à payer.
Je suis rentré sans trainer et Oscar m’a reçu fou de joie. Ce fut une belle matinée.Annonce
Notre chat sacré Oscar
Deuxième partie : au-delà du réel
Mes chênes
J'aurais jamais dû m'éloigner de mon arbre
Auprès de mon arbre je vivais heureux
J'aurais jamais dû le quitter des yeux
Mon chêne, son père et ses oncles
Voilà près de vingt cinq ans que j’habite ma campagne après plusieurs décennies de vie urbaine. Heureusement mon enfance passée en grande partie à la campagne avait imprégné ma mémoire de souvenirs longtemps enfouis.
Quand j’ai fait le tour de la propriété que nous venions d’acquérir au prix de quelques sacrifices j’ai compté les arbres qui occupaient le terrain. Il y avait un vieux noyer, deux cerisiers, deux pommiers, un poirier et trois chênes heureusement en bordure du terrain dont un vénérable vieux d’au moins cent ans d’après un jardinier expérimenté.
Le vénérable était creux, ce qui m’inquiétait quelque peu. J’ai donc décidé un jour d’élaguer un peu sa ramure pour que le vent ait moins de prise et ne le jette à terre. Bien entendu j’ai soigné les blessures avec le goudron prévu à cet effet.
Près du poulailler se trouvait un jeune chêne en pleine croissance qui ne demandait aucun soin, si ce n’est une caresse en passant pour lui montrer que je l’aimais.
Les deux autres chênes ne demandaient qu’à croître en toute quiétude.
La famille était du genre chêne pédonculé, le plus commun disent certains. Un chêne n’en déplaise à certains n’est jamais commun.
Avant de poursuivre l’écriture de ma relation avec mes chênes je vous plante le décor.
Ma vie à la campagne s’est organisée peu à peu. J’ai amélioré le poulailler en construisant un pondoir sur le dessus de la cage aux lapins avec échelle pour grimper sans effort. Les poules que m’avait laissé le précédent propriétaire étaient affamées et je les ai remplumées rapidement avec du blé et du maïs.
Le noyer était sain et nous a donné des noix pendant de longues années. J’étais un jaloux du noyer de mon voisin qui donnait des noix plus grosses que celles de mon noyer. Mais j’ai eu ma revanche en lui faisant goûter le vin de noix que je faisais tous les ans et que lui ne faisait pas.
Les pommiers nous ont régalé ainsi que le poirier pendant quelques années.
Je me suis mis à faire un potager jusqu’au jour où les forces m’ont peu à peu abandonné.
Mais revenons aux chênes.
Le vénérable produisait en abondance des glands qui, chaque printemps, germaient dans mon potager. Dans le dos de mon épouse j’en laissais croître quelques-uns mais bien vite j’étais rappelé à l’ordre. Pas question pour madame de transformer notre jardin en forêt primaire. J’ai donc le cœur lourd arraché ces jeunots qui ne demandaient qu’à grandir.
Les années ont passé. Le vénérable a élargi sa ramure, l’apprenti près du poulailler s’est bien développé et les deux oncles surveillants ont pu grandir sans crainte.
Mais un jour l’apocalypse est arrivée : il a fallu abattre tous les arbres sauf les chênes [1]
C’est à partir de ce jour que j’ai pris l’habitude, chaque matin de faire le tour du terrain et de faire une caresse légère à mes quatre chênes. Je commence par le vénérable, puis par le surveillant du Nord et tournant vers la gauche je rejoins le surveillant de l’ouest et je termine par l’apprenti du Sud. Quand nous avons refait la clôture j’en ai profité pour enlever le fil de fer barbelé qui s’était incrusté dans l’écorce du vénérable.
Il y a trois ans un jeune chêne s’est installé à quatre mètres de la véranda, quasiment au début du potager. Un peu caché par les groseillers madame ne l’a pas vu pousser. Et il a bien poussé le bougre. Bien droit, bien pourvu de branches équilibrées il a pris de l’ampleur et bien entendu sa présence a finalement été remarquée. L’inquisition s’est mise en place avec mise en demeure de faire disparaître cet intru. Et cette fois-ci je me suis rebellé. Non, ce chêne va rester là où il est. Ce n’est pas négociable. Au pire je veux bien qu’on coupe le basses branches. Après moult paroles aigres j’ai emporté la victoire. Il est toujours là et devient de jour en jour plus beau.
Aujourd’hui j’ai du mal à marcher et ma promenade s’arrête au vénérable. Je sais que dans quelques temps je n’irai que dire bonjour à l’apprenti. Cela me suffit.
[1] En 2018 la catastrophe fut de notre fait je dois le reconnaître. La fosse septique n’était pas aux normes et les contraintes n’allaient pas tarder à survenir. Il fallait installer une fosse toutes eaux. L’expert mandaté pour choisir l’emplacement constata que le terrain était trop argileux et qu’il fallait installer un filtre à sable en sortie de la fosse. Qui dit filtre à sable dit qu’il ne doit pas y avoir d’arbre planté à moins de cinq mères des quatre côtés du filtre. Conclusion incontournable : il fallait abattre le noyer, les cerisiers, les pommiers et le poirier. Par miracle aucun de mes chers chênes n’était concerné car tous les quatre étaient en périphérie de la clôture.
Une petite souris diabolique
J’ai raconté tout ça à mon épouse qui s’est contentée de hausser les épaules. J’ai bien compris son message : je devenais gâteux. Et alors ?
Un peu plus tard, alors que d’habitude je ne voyais jamais la souris, je l’ai trouvée assise sur le carton repas et qui me regardait d’un œil tranquille. J’ai sursauté, respiré un bon coup et j’ai fait comme si je ne l’avais pas vue et j’ai fait mon travail habituel qui s’est terminé par la dépose d’un morceau de boule de graisse et d’une poignée de tournesol. La souris n’avait pas bougé. Elle a levé la tête et m’a dit : « Monsieur Hippolyte vous n’auriez pas un bout de fromage pour changer ? » Là je me suis dit que ma femme avait raison : je devenais gâteux. Mon imagination me jouait des tours et c’est mon cerveau qui avait imaginé cette question. C’est à cet instant que tout a dérapé.
Tout naturellement j’ai répondu « bien sur mais quel fromage tu veux ? »
« Du camembert s’il te plait »
Oui, c’est vrai j’ai toujours eu beaucoup d’imagination et j’ai toujours eu peur de raconter les histoires qui me passaient dans la tête. Mais dans ce cas précis, une chose était bien réelle : la souris se tenait debout sur le carton repas. Et elle me demandait du fromage. Je suis souvenu alors que quelques jours auparavant j’avais consulté une encyclopédie en ligne qui disait que le fromage n’était pas bon pour les souris.
« Juste un petit bout et ne m’en demande pas souvent »
« d’accord » me répondit-elle.
Le lendemain je lui ai apporté un tout petit bout de croûte de fromage.
« Merci Hippolyte »
« Que fais-tu de tes journées ? et comment t’appelles-tu ?
« Je m’appelle Bianca et je m’ennuie, toute seule dans ton atelier »
« Et pourquoi ne sors-tu pas, il y a de la place pour passer sous la porte et aller faire un tour dehors »
« Oublies-tu Hippolyte que dehors il y a des chats. Tu en as six je crois »
« Non je n’en ai plus que cinq le sixième, Rocky est mort »
« Rocky c’était le rouquin ? »
« Exact, comment le sais-tu ?
« Il a failli m’avoir un jour et je suis bien contente qu’il soit mort »
« Et bien moi je le regrette, c’était mon chat préféré et nous étions très copains tous les deux »
« Bien mais tes amours avec les chats ne m’intéressent pas. Je voudrais sortir un peu et aller chercher un mari. Tu es marié toi ? Et pour trouver ta femme il a bien fallu que tu sortes pour la trouver »
« C’est pas faux mais je ne vois pas de solution à ton problème »
« Et bien trouves-en une, car je ne suis pas patiente et quand je suis fâchée je deviens mauvaise comme une teigne »
Et là je suis resté sans voix avec un frisson désagréable dans le dos. Je suis parti en me demandant comment Bianca pouvait me punir de ne pas l’aider à trouver un mari. Je n’allais tout de même pas enfermer mes chats toute la journée et toute la nuit. L’hiver passe encore ils couchent à la maison mais l’été ils passent souvent la nuit dehors. Quelle idée j’ai eue de donner à manger à cette péronnelle agressive. Et qu’est-ce qu’elle peut bien faire petite comme elle est ? Oui mais si elle a eu la possibilité de me transmettre ses demandes et ses pensées elle doit avoir des pouvoirs extraordinaires ? Je suis rentré à la maison plutôt grognon ce qui n’a pas surpris mon épouse car c’est le principal trait de mon caractère ; je suis souvent grognon pour des raisons futiles. Mais là il n’était pas question d’affaire futile. Ma première idée fut de laisser dorénavant la porte de l’atelier ouverte de jour comme de nuit. Mon chat Victor le meilleur chasseur de la bande résoudrait mon problème dans un délai assez bref. Plus de souris, plus de menace. Mais Bianca n’était pas une souris domestique ordinaire. Ne serait-ce pas mon chat Victor qui serait la victime d’une action tordue de la teigne Bianca ? Allez savoir. J’ai abandonné ce projet qui ne me plaisait pas trop.
Le lendemain après le nourrissage des oiseaux j’ai retrouvé la Bianca à sa place habituelle avec un regard qui ne m’a pas trop plu.
« Alors monsieur Hippolyte on a trouvé une solution pour me procurer un mari ? »
« Il y a bien un moyen : dans le mur à côté de l’escalier il y a un trou qui permet d’aller dans la grange. Le sol de la grange est en terre battue et il y a plein de planches accotées aux murs pour se cacher et percer une trouée permettant d’aller dehors ce que tu ne peux pas faire ici car le sol est en béton. Qu’en penses-tu ? »
« Ouais, je vais y réfléchir. Mais dis donc, ce ne serait pas un moyen tordu pour m’envoyer dans le domaine de tes chats pour te débarrasser de moi la conscience tranquille ? »
Je dois reconnaitre que cette éventualité ne m’avait pas échappé.
« Tu vois que tu y pensais sale hypocrite »
« Désolé Bianca mais je n’ai pas d’autre solution. Je ne vais quand même pas passer une annonce dans le journal du genre : jeune souris gracieuse et cultivée cherche souris mâle en bonne santé pour relation amicale et plus si affinités.
Bianca s’est finale rendue à mon argument et le jours suivants je ne l’ai vue qu’un jour sur deux affamée et silencieuse.
Comme c’était prévisible elle a trouvé le mari idéal et un matin il y avait deux convives à la table du déjeuner.
« Je te présente Arsène mon mari, comment le trouves-tu ? »
« Déjà il n’est pas bavard ce qui me le rend sympathique mais un peu maigrichon »
« Hippolyte il ne tient qu’à toi de le remplumer. »
« Vous allez finir par me coûter cher en frais de bouche les tourtereaux ?
« Ca c’est ton problème Hippolyte et penses bien aux conséquences car n’oublie pas je suis une souris vindicative et j’ai des moyens de te réduire en esclave obéissant si j’en éprouve le besoin. »
Et mon esclavage a commencé ; deux souris puis 8 souriceaux sont venus chaque matin réclamer leur pitance. Je ne savais plus comment expliquer à ma femme ou passaient les bouts de fromage, les quignons de pain rassis et les demi-tranches de jambon qui sommeillaient dans le frigo.
J’ai cru pouvoir prendre un peu de repos le jour où mon épouse a décidé de passer le week-end au Mans pour voir ses sœurs. Le samedi matin je ne suis pas allé dans l’atelier. Dimanche matin pris de remord j’y suis allé mais j’ai trébuché sur un manche à balai arrivé là sans raison valable. Ma canne m’a échappé des mains et je me suis écroulé sur le béton à moitié assommé. Je me souviens avoir entendu Bianca crier : « Les enfants à table, il y a de la viande fraîche au menu »
J'ai deux métiers
Quand on habite une petite ville de la France profonde les distractions sont rares mais pas introuvables, il suffit de chercher. Quand des amis ou des membres de la famille viennent passer un week-end à la maison il faut nous seulement les nourrir et les coucher mais il faut aussi les distraire. J’ai fini, au fil des années, par constituer un petit catalogue des distractions possibles. Il y a le plan d’eau ou la baignade est autorisée mais tout le monde n’aime pas l’eau. Alors je les emmène au musée du jouet. Succès garanti pour les plus anciens car les jeunes trouvent ça plutôt ringard. Les vieux sont heureux de retrouver leurs souvenirs d’enfance. Pour ceux qui aiment les ruines je les emmène à la tour du Bonvouloir. Succès mitigé et plaisanteries graveleuses incontournables. La chapelle de Saint Antoine a ses amateurs de vieilles légendes. Il ya avait jadis un musée des pompiers mais il a déménagé. Je ne parle jamais du casino, trop source de conflit entre le mari qui veut y faire un tour et l’épouse qui tient les finances du ménage. Il ne faut pas non plus emmener les invités trop loin. Ils ne sont pas venus à la campagne pour passer des heures en voiture. Il y a quelques années j’ai découvert le petit musée d’un taxidermiste assez intéressant pour les jeunes comme pour les vieux. Il m’arrive parfois de m’y arrêter, sans objectif précis, juste pour papoter avec le taxidermiste, un homme aussi charmant que bavard. Il me parle des difficultés de son métier : de moins en moins de gens sont intéressés par les animaux naturalisés sauf les chasseurs qui sont des clients fidèles. Le travail qui le fait vivre consiste à naturaliser le chien d’une vieille dame qui se désole de la perte de son animal adoré. Bien entendu il travaille aussi pour le musée d’histoire naturelle et quelques amateurs étrangers. Quand je l’invite à me parler du concours international qui rassemble les taxidermistes du monde entier il détourne la conversation. Je suppose qu’il a du échouer à un concours.
Mes invités sont toujours surpris de voir monsieur Bayard m’accueillir avec un grand sourire et une poigne de main vigoureuse. Il explique son travail avec enthousiasme et parfois il arrive à vendre à un de mes invités un pigeon ou une fouine naturalisée.
Mon métier d’informaticien m’amène à travailler pour des entreprises assez variées. J’ai écrit beaucoup de programmes de comptabilité pour des entreprises ou des experts-comptables. Depuis deux ans je travaille sur une chaîne de programmes pour les entreprises de pompes funèbres et j’ai commencé à parcourir la France pour installer mes programmes. Les gens qui travaillent dans ce secteur sont toujours ravis de rencontrer quelqu’un qui leur parle d’autre chose que de la perte d’un être cher. Ils ne sont pas avares d’anecdotes plus ou moins scabreuses. Il y a un événement incontournables dans cette profession c’est le salon du funéraire Paris qui a lieu tous les ans au Parc des Expositions Paris Nord Villepinte. On y rencontre aussi bien des fabricants de cercueil que de fourgons funéraires climatisés. Je me souviendrais toujours d’avoir vu l’an dernier un couple d’amoureux tendrement enlacés en admiration devant un cercueil énorme, décoré comme une église mexicaine. Ils étaient attendrissants.
Au détour de l’allée des urnes funéraires je suis tombé sur mon taxidermiste, monsieur Bayard. Je ne pouvais pas me tromper de personne. Monsieur Bayard est facilement identifiable. Plutôt petit, malingre bien que solide et avec une chevelure extraordinaire. De longs cheveux gris éparses, comme prêts à tomber au moindre courant d’air. Il m’a semblé surpris de me trouver là, comme moi d’ailleurs. Je lui ai expliqué pourquoi j’étais sur ce salon et sa méfiance initiale a disparu. Je l’ai invité à boire un verre à la buvette et à son tour il m’a dit ce qu’il faisait dans ce salon spécialisé. En plus de son métier de taxidermiste il était thanatopracteur ce qui lui permettait d’arrondir ses fins de mois en conciliant des activités identiques. Au fil de ses explications j’ai compris pourquoi son local de taxidermiste n’était ouvert au public que le dimanche. Les autres jours il se partageait entre ses deux activités.
Nous nous somme séparés bons amis et j’ai continué à distribuer la plaquette de notre société concernant le logiciel des pompes funèbres.
Comme à chaque fois j’ai mis du temps à sortir des encombrements parisiens et je suis rentré fatigué dans ma campagne. Pendant la route j’ai beaucoup pensé à monsieur Bayard et je ne pouvais m’empêcher de rire silencieusement en revoyant ce curieux personnage.
Les semaines sont passée et j’ai un peu oublié monsieur Bayard jusqu’au dimanche où je suis allé à la brocante qui a lieu tous les ans dans son village. En passant devant son magasin dont la vitrine était ornée d’un énorme ours blanc je me suis dit qu’en partant je m’arrêterais chez lui.
Je n’ai rien trouvé d’intéressant à la brocante et je suis reparti sans oublier de m’arrêter chez Monsieur Bayard. La porte était ouverte mais il n’y avait personne dans la pièce. J’ai attendu un peu en faisant le tour des vitrines. Personne ne venant j’ai ouvert la porte qui se trouvait au fond du local pensant trouver monsieur Bayard trop occupé pour penser aux visiteurs. Il n’y avait personne là non plus. J’étais donc dans la partie atelier du taxidermiste. L’odeur du formol était prégnante et je me sentais vaguement mal à l’aise. Une autre porte s’est ouverte et j’ai vu arriver avec soulagement monsieur Bayard qui bien entendu était surpris de me trouver là. Je me suis excusé mais je sentais bien que ma présence le dérangeait. J’ai voulu partir mais après un court silence il m’a dit : Nous nous connaissons bien maintenant et vous êtes le seul à qui je peux montrer mon chef d’œuvre sur lequel je travaille depuis des années. Puis-je compter sur votre discrétion ? ». Je l’ai aussitôt rassuré mais il est resté encore un moment à réfléchir comme hésitant encore à aller jusqu’au bout de son premier geste. Il m’a pris par le bras en disant : « Venez voir ».
J’ai vu : trois beaux spécimens de l’espèce humaine étaient exposés dans une vitrine. Vraiment très beaux, comme vivants.
Une journée ordinaire
Mercredi dernier restera longtemps dans ma mémoire peut-être parce qu’elle était parfaitement ordinaire, quoique.
Elle avait commencé à 5h30 comme les autres jours. Martine s’était occupée du déjeuner des chats et moi j’avais préparé notre petit déjeuner. Pas de parole inutile. La seule chatte, Coquine, qui avait dormi dans la maison attendait sagement son assiette.
Quand tout fut prêt Martine a d’abord déposé les assiettes pleines à leur place habituelle devant la bibliothèque sauf celle de Julius qui prend tous ses repas sur le buffet dans la cuisine, puis elle est allée ouvrir la porte d’entrée et j’ai ouvert la porte de la véranda par laquelle est entré Julius. Les autres, c'est-à-dire Victor, Rocky, Oscar et Zoé sont entrés par la porte principale. Chacun a trouvé son assiette sans contestation. Comme nous laissons l’été la porte ouverte les chats mangent et ressortent à leur guise. Nous déjeunons sans beaucoup de bavardage.
Je passe sur l’aspect rangement, vaisselle et autres activités ménagères que nous nous partageons.
Ce mercredi là j’avas rendez-vous avec mon médecin à 10 heures. Cela implique une douche méticuleuse et du linge propre ce qui fut fait avec la fatigue habituelle qui résulte d’une activité physique aux limites de mes possibilités. Un peu de repos devant l’ordinateur et le jeu habituel pour retrouver un souffle normal. Pour passer le temps j’ai mis sur mon tourne disque un vieux vinyle de 78 tours : la petite église de Jean Lumière
Notre médecin exerce à Rânes, une petite ville à 25 km environ. Pourquoi si loin ? Parce que en 2010 mon médecin de Couterne a pris sa retraite et que les quelques médecins des communes proches ne prenaient plus de clients. J’ai donc choisi le même médecin que celui de Martine qui avait connu ce problème là quelques années plus tôt.
Comme souvent nous sommes partis trop tôt et nous sommes arrivés à 9h40. Depuis la pandémie du Covid19 nous attendons dans la voiture après avoir vérifié auprès des autres personnes qui attendent aussi qui allaient passer avant moi. Cela se passe sans histoire.
Pour passer le temps nous lisons soit la revue habituelle de Martine soit le catalogue Lidl qui traîne sur le siège arrière.
En feuilletant ce catalogue j’ai découvert que la saison « produits Italiamo » commençait ce jour.
Et bonne surprise le jambon sec qui avait fait nos délices quelques mois auparavant était de nouveau présent. Autre bonne surprise j’ai découvert que Lidl proposait aussi le vin italien qui avait enchanté mon séjour en Italie ou j’étais allé comme moniteur de colonie de vacance il y a plus de 60 ans: le Chianti. Jeune normand je ne connaissais que le cidre et le vin ordinaire. Le Chianti par sa légèreté et son perlant devint un vin magique. Je n’avais guère les moyens d’en boire souvent mais c’est ce vin que je buvais quand les jours de repos j’allais me balader dans la petite montagne près de Bergame. Je pourrais m’étendre longuement sur mes souvenirs de ces deux mois passés en Italie. Ce sera l’objet d’une autre page de souvenirs.
La visite chez mon médecin se passa normalement. Comme d’habitude je suis sujet au symptôme de la « blouse blanche » ma tension était trop élevée mais diminuait sensiblement au fil des minutes. Contrairement à mes craintes mon cœur sembla fonctionner correctement aux yeux de mon médecin. Ce qui était une bonne nouvelle. Mauvaise nouvelle : il m’apprit qu’il avait demandé sa mise à la retraite qui devrait arriver au début de l’an prochain. Comme aucun nouveau médecin s’était installé autour de chez nous notre suivi médical allait être un peu léger.
Nous sommes rentrés et bien entendu nous nous sommes arrêtés chez Lidl pour acheter ce jambon délicieux et une bouteille de Chianti.
De retour à la maison nous avons répondu aux besoins de nos six chats qui nous avaient attendus sans impatience et puis nous avons commencé à parler de notre repas. Le plat de nouilles à la sauce tomate initialement prévu fut vite éliminé et j’ai proposé que nous fassions un repas pique-nique avec une salade, le jambon, du beurre, du fromage et du pain. J’ai débouché ma bouteille de Chianti. J’ai retrouvé un peu du goût dont j’avais gardé le souvenir mais le perlant avait disparu. Nous étions ravis tous les deux de ce repas improvisé. Nous étions comme revenus dans les Alpes et nous mangions sur une table de pique-nique en bois avec les choucas autour de nous quémandant quelques miettes. Nous avons évoqué ces vacances passées aux Saisies, les balades sous l’orage et la cueillette des myrtilles. J’ai raconté à Martine quelques souvenirs d’Italie et elle m’a parlé de la Grèce où elle était allée dans sa jeunesse.
Ce fut une belle journée dont je me souviendrais longtemps.
Démesurées
J’ai longtemps gardé cette histoire dans ma mémoire sans oser en parler à qui que ce soit car elle est trop invraisemblable. Masi il est temps de révéler cette aventure, prélude à d’autres mystères.
J’étais parti voir ma fille comme je le faisais deux fois par an. Le voyage est assez long car elle habite à l’autre bout de la France, vers la frontière suisse. Les premiers kilomètres sont avalés sans fatigue. Mais à partir de Troyes il est préférable de prendre l’autoroute à la fois pour gagner du temps et savourer une conduite plus dolente. Lors d’un voyage qui dure près de huit heures il faut de temps en temps s’arrêter pour se détendre et soulager un besoin naturel. Pendant ma vie active j’ai beaucoup circulé en voiture et je connais bien les aires de repos. Il y en a de toutes sortes, des modestes, des grandioses ou des ridicules. Ce jour là le temps d’automne était au beau. Le ciel s’était débarrassé de son manteau de nuages et le vent s’était fait discret. Un temps parfait pour rouler détendu. La sortie d’autoroute sur laquelle je me suis engagé était comme à moitié obstruée par des barrières en désordre, comme bousculées par une harde de sangliers. Je pouvais néanmoins passer sans difficulté et aucun panneau ne m’interdisait l’accès. J’ai imaginé une barrière posée là pour protéger des travaux négligemment suspendus. Au bout de cette bretelle le parking habituel de ce genre d’endroit et à l’autre extrémité le bâtiment attendu. Le parking était vide et les emplacements de stationnement dessinés sans aucune rigueur. Ils n’étaient pas tous de la même largeur et les traits de peinture blanche n’étaient pas très parallèles. Je me suis garé dans un emplacement éloigné du bâtiment afin de pouvoir marcher un peu et prendre le temps d’analyser le malaise que je ressentais.
L’aspect de l’édifice était déroutant. Habituellement ce genre d’endroit présente une architecture qui se veut originale mais qui se révèle bien souvent assez banale. Là au contraire j’avais en face de moi une tour carrée, d’une hauteur inhabituelle trahissant comme un besoin de grandiose de l’architecte. Le sommet n’était pas crénelé heureusement. Le toit devait être plat, gravillonné certainement.
La porte donnant accès aux toilettes était également de taille inhabituelle, exagérée même. La poignée de la serrure se situait assez haut, presque inaccessible. J’étais de plus en plus impressionné. J’ai ouvert cette porte sans effort, ce qui m’a surpris.
Ma surprise fut encore plus grande quand j’ai vu ce qui m’attendait. Une faïence à la turque comme je n’en avais plus vu depuis mon service militaire mais de proportions énormes : un trou de peut-être cinquante centimètres avec des emplacements pour poser ses pieds de taille propre à accueillir des palmes de plongée sous-marine. Au mur un réservoir de chasse d’eau antique mais tout aussi disproportionné. Je ne savais quoi faire. Mon regard allait d’un mur à l’autre et des images incroyables me venaient à l’esprit : géants, extra-terrestres, et je m’apprêtais à fuir cet endroit effrayant par ses proportions quand une ombre m’a indiqué une présence derrière moi.
Je me suis retourné, les nerfs tendus, satisfait de ne pas avoir encore baissé mon pantalon. Un homme ou quelque chose d’approchant, de taille impressionnante me dominait et me regardait avec un sourire mécanique. Il se tenait les jambes écartées, bien ancrées au sol, et manifestement décidé à m’empêcher de sortir. Son aspect était déroutant, un peu comme une marionnette faite à la va-vite : cuisses trop courtes et maigres, bras musclés avec excès et torses cylindrique sous un vêtement gris légèrement brillant. J’entendais derrière mois le trou des toilettes glouglouter bizarrement et mon gardien, je ne trouvais pas d’autre mot pour le décrire, ne disait rien mais son attitude signifiait bien que je ne sortirai pas indemne du piège dans lequel je m’étais laissé enfermé. Il a levé un bras pour me pousser ce qui a déclenché en moi le bon réflexe. Je me suis alors jeté entre ses jambes, j’ai roulé à l’extérieur comme on m’avait appris lors de mon stage de parachutiste et j’ai couru vers mon auto.
J’ai eu bien du mal à tourner la clé de contact, mes mains gagnées par un tremblement irrépressible.
La voie de sortie contournait le bâtiment maudit et passait auprès d’une aire ronde, à la surface métallique, du moins à ce qu’il m’a semblé. De retour sur l’autoroute j’ai mis du temps à retrouver mon calme et mon envie pressante était oubliée, du moins pour un certain temps.
Depuis ce jour je cherche à comprendre ce que j’ai vu jusqu’à ce que je puisse visualiser à nouveau le spectacle que j’avais eu sous les yeux. Tout d’abord j’ai réalisé que les empreintes de chaque côté du trou n’avaient pas la forme habituelle, celle où l’on pose ses pieds. On dirait plutôt l’empreinte d’une main et j’ai visualisé à nouveau le tuyau de la chasse d’eau. Il faisait un coude et à l’extrémité se trouvait une pièce dont la forme me rappelait celle d’une tétine de biberon. J’en suis maintenant sur : ce n’étaient pas des toilettes mais une mangeoire.
Le prix de l'entrecôte
Édouard : Majordome
Louis-Joseph de Quatremare : Président
- Monsieur le Président, vous à l’office ?
- Et bien Édouard, quel est le problème ? J’ai bien le droit de venir dans ma cuisine ?
- Effectivement Monsieur, mais c’est la première fois depuis 15 ans que je suis à votre service. Quelque chose de grave peut-être ? Un drame familial ?
- Non Édouard Je viens simplement vérifier si vous êtes allé acheter l’entrecôte que je vous ai demandée pour ce midi.
- J’arrive tout juste Monsieur. Elle est là, devant vous sur la table avec la note du boucher.
- Quoi ? 15 euros une entrecôte ? Mais c’est du vol !! Pour ce prix j'espère qu'elle sera bonne !
- Je ferais remarquer à Monsieur qu’elle vient de chez Vincent le boucher du coin de la rue Mignard. Tout le XVIème se fournit chez lui. D’ailleurs Germaine notre concierge pour qui j’en ai acheté une dit comme vous : « c’est cher mais c’est de la bonne viande chez Vincent. » Enfin pas tout à fait comme vous. Car vous dites : « c’est peut-être bon mais c’est cher. » alors que Germaine pense que la qualité justifie le prix : « c’est cher mais c’est bon. » Vous voyez la nuance ?
- Vous ergotez Édouard. Je ne suis pas venu vous voir pour prendre une leçon de sémantique. Vous avez la note de l’épicier aussi ?
- Oui Monsieur, la voici.
Quoi ? 5257,25 euros ?
- C’est pour le mois dernier Monsieur
- Mais c’est énorme !
- Effectivement Monsieur, à peu près quatre fois le salaire mensuel de madame Germaine, salaire de ce mois qu’elle attend d’ailleurs.
- D’accord, d’accord, nous verrons cela plus tard.
- Je me permets d’insister, Monsieur, car l’épicier m’a demandé de vous dire : à moins de régler cette note, il ne nous fera plus crédit.
- Édouard, vous commencez à me porter sur les nerfs en m’accablant que questions que vous avez toujours su régler sans m’importuner. Savez-vous que si vous persistez je pourrais changer de majordome. Il y a d’autres majordomes stylés et moins chers sur la place.
- Monsieur a tout a fait raison. Mais un vrai bon majordome c’est cher et exigeant aujourd’hui. C’est comme l’entrecôte, quand c’est bon c’est cher.
- Encore l’entrecôte ? Mais vous en faites une idée fixe ?
- Non, non Monsieur, c’est simplement pour vous montrer que la valeur des choses dépend du niveau social et culturel de celui qui en discute.
- Et ça veut dire quoi votre charabia ?
- C’est très simple à comprendre Monsieur : Je prends un exemple : Madame Germaine attend son salaire du mois dernier depuis 15 jours et sait se montrer patiente. En outre elle trouve qu’une bonne entrecôte est forcément chère et vous..
- Quoi et moi ?
-Vous, vous trouvez l’entrecôte trop chère et vous n’avez aucune honte à différer le paiement du salaire de madame Germaine.
- Je ne suis pas venu ici pour me faire donner des leçons de morale !
- Je me permets de rappeler à Monsieur qu’à l’office la parole est libre. Depuis des générations de gens de maison l’office est le seul lieu ou ils ont le droit de parler sans gêne des maîtres et les maîtres respectent ce droit. Si vous ne voulez ps que je parle comme je le fais, ne venez pas à l’office et sonnez moi pour me demander des explications dans votre espace. Vous êtes ici dans notre domaine et vous ne pouvez y parler en maître. Mais revenons au problème de madame Germaine et son salaire. Je voulais simplement expliquer qu’il y a une différence entre les gens de maison et ceux de la classe supérieure et que cette différence n’est pas à l’avantage de cette dernière.
- Je vous vois venir Édouard. Vous voulez me pousser à bout afin que je vous licencie pour pouvoir m’extorquer de l’argent devant les Prud’hommes au prétexte d’un licenciement sans motif valable.
- Non Monsieur, loin de moi ce plan machiavélique. Je suis bien chez vous, le salaire est ridicule mais les à-côtés compensent largement.
- Quels à-côtés ?
- Ce que je gagne en bourse grâce à vous.
- Vous jouez en bourse Édouard, sur mon dos ? Mais vous méritez les Assises mon garçon !
- Je me suis mal exprimé Monsieur. J’ai commencé à jouer en bourse il y a 10 ans quand vous avez fait installer dans l’immeuble une ligne internet avec une box wifi. Au début j’ai fait les mêmes choix de vente ou d’achat, que vous, pour apprendre. Mais j’ai perdu beaucoup d’argent et un jour j’ai joué en faisant les choix inverses des vôtres. A partir de ce moment là j’ai gagné, de l’argent, beaucoup d’argent. Et j’ai fait de bons placements en obligations sûres ce qui fait qu’aujourd’hui, je suis riche alors que vous êtes ruiné.
- Comment ça, vous savez que je suis ruiné ?
- Tout simplement parce que j’ai acheté les actions de vos sociétés au fur et à mesure que vous les vendiez pour trouver du cash et mener votre vie dissolue. Il ne me manque plus que d’acquérir la majorité dans « Enjoy-boys » que vous détenez encore.
- Et pourquoi je vous vendrais ces actions ?
- Parce que je les veux et que je suis le seul à vous en offrir un bon prix. Actuellement elles cotent 10 euros alors qu’il y a 2 ans elles en cotaient 20.
- Et vous m’en offrez combien ?
- Je vous en offre 15
- Non, 17
- C’est 15 et pas un euro de plus
- D’accord. Vous pouvez me prêter 10000 euros ?
- Pas de problème Monsieur le président. Je vous les apporterai au moment du repas, avec l’entrecôte.
- N’exagérez pas Édouard
- Qu’allez-vous devenir maintenant ?
- Je vais cherche un emploi dans mes compétences.
-J’ai bien une offre à vous faire. Nous nous connaissons bien maintenant. J’ai acheté le petit hôtel particulier dans le Marais , tout près d’ici et je cherche un majordome, cela vous tente ?