Histoires du jour

16 mars 2024 une petite souris diabolique

       Il y a maintenant quelques années j’allais tous les matins d’hiver nourrir les oiseaux de mon jardin : des mésanges bien entendu mais aussi des moineaux communs. Deux pies voisines en profitaient pour voler quelques graines de tournesol. Dans mon atelier j’avais installé mes bacs de boules de graisse et de tournesol sur une planche et deux tréteaux. Un matin j’ai trouvé une souris qui avait pu soulever le couvercle du bac à boules de graisse et qui se régalait sans vergogne. Bien entendu dès que j’ai soulevé le couvercle elle a sauté et s’est enfuie à la vitesse de l’éclair. Le lendemain après avoir fait la tournée des oiseaux j’ai laissé une poignée de graines de tournesol sur un carton qui traînait tout à côté des tréteaux. Cela a duré quelques jours sans changement. Chaque matin les graines de tournesol avaient disparu. Pour quelle raison ai-je pensé à lui mettre aussi un peu d’eau dans un couvercle de boîte de café en poudre qui me servait à ranger des vis ? Allez savoir. Mais j’ai pensé un matin que le régime tournesol devait être un peu monotone. J’ai ajouté un morceau de boule de graisse : j’avais pensé juste, le lendemain le morceau avait disparu et l’eau de l’abreuvoir improvisé également.
               J’ai raconté tout ça à mon épouse qui s’est contentée de hausser les épaules. J’ai bien compris son message : je devenais gâteux. Et alors ?
               Un peu plus tard, alors que d’habitude je ne voyais jamais la souris, je l’ai trouvée assise sur le carton repas et qui me regardait d’un œil tranquille. J’ai sursauté, respiré un bon coup et j’ai fait comme si je ne l’avais pas vue et j’ai fait mon travail habituel qui s’est terminé par la dépose d’un morceau de boule de graisse et d’une poignée de tournesol. La souris n’avait pas bougé. Elle a levé la tête et m’a dit : « Monsieur Hippolyte vous n’auriez pas un bout de fromage pour changer ? » Là je me suis dit que ma femme avait raison : je devenais gâteux. Mon imagination me jouait des tours et c’est mon cerveau qui avait imaginé cette question. C’est à cet instant que tout a dérapé.
               Tout naturellement j’ai répondu « bien sur mais quel fromage tu veux ? »
               « Du camembert s’il te plait »
Oui, c’est vrai j’ai toujours eu beaucoup d’imagination et j’ai toujours eu peur de raconter les histoires qui me passaient dans la tête. Mais dans ce cas précis, une chose était bien réelle : la souris se tenait debout sur le carton repas. Et elle me demandait du fromage. Je suis souvenu alors que quelques jours auparavant j’avais consulté une encyclopédie en ligne qui disait que le fromage n’était pas bon pour les souris.
« Juste un petit bout et ne m’en demande pas souvent »
« d’accord » me répondit-elle.
Le lendemain je lui ai apporté un tout petit bout de croûte de fromage.
« Merci Hippolyte »
« Que fais-tu de tes journées ? et comment t’appelles-tu ?
« Je m’appelle Bianca et je m’ennuie, toute seule dans ton atelier »
« Et pourquoi ne sors-tu pas, il y a de la place pour passer sous la porte et aller faire un tour dehors »
« Oublies-tu Hippolyte que dehors il y a des chats. Tu en as six je crois »
« Non je n’en ai plus que cinq le sixième, Rocky est mort »
« Rocky c’était le rouquin ? »
« Exact, comment le sais-tu ?
« Il a failli m’avoir un jour et je suis bien contente qu’il soit mort »
« Et bien moi je le regrette, c’était mon chat préféré et nous étions très copains tous les deux »
« Bien mais tes amours avec les chats ne m’intéressent pas. Je voudrais sortir un peu et aller chercher un mari. Tu es marié toi ?  Et pour trouver ta femme il a bien fallu que tu sortes pour la trouver »
« C’est pas faux mais je ne vois pas de solution à ton problème »
« Et bien trouves-en une, car je ne suis pas patiente et quand je suis fâchée je deviens mauvaise comme une teigne »
Et là je suis resté sans voix avec un frisson désagréable dans le dos. Je suis parti en me demandant comment Bianca pouvait me punir de ne pas l’aider à trouver un mari. Je n’allais tout de même pas enfermer mes chats toute la journée et toute la nuit. L’hiver passe encore ils couchent à la maison mais l’été ils passent souvent la nuit dehors. Quelle idée j’ai eue de donner à manger à cette péronnelle agressive. Et qu’est-ce qu’elle peut bien faire petite comme elle est ? Oui mais si elle a eu la possibilité de me transmettre ses demandes et ses pensées elle doit avoir des pouvoirs extraordinaires ? Je suis rentré à la maison plutôt grognon ce qui n’a pas surpris mon épouse car c’est le principal trait de mon caractère ; je suis souvent grognon pour des raisons futiles. Mais là il n’était pas question d’affaire futile. Ma première idée fut de laisser dorénavant la porte de l’atelier ouverte de jour comme de nuit. Mon chat Victor le meilleur chasseur de la bande résoudrait mon problème dans un délai assez bref. Plus de souris, plus de menace. Mais Bianca n’était pas une souris domestique ordinaire. Ne serait-ce pas mon chat Victor qui serait la victime d’une action tordue de la teigne Bianca ? Allez savoir. J’ai abandonné ce projet qui ne me plaisait pas trop.
               Le lendemain après le nourrissage des oiseaux j’ai retrouvé la Bianca à sa place habituelle avec un regard qui ne m’a pas trop plu.
               « Alors monsieur Hippolyte on a trouvé une solution pour me procurer un mari ? »
               « Il y a bien un moyen : dans le mur à côté de l’escalier il y a un trou qui permet d’aller dans la grange. Le sol de la grange est en terre battue et il y a plein de planches accotées aux murs pour se cacher et percer une trouée permettant d’aller dehors ce que tu ne peux pas faire ici car le sol est en béton. Qu’en penses-tu ? »
               « Ouais, je vais y réfléchir. Mais dis donc, ce ne serait pas un moyen tordu pour m’envoyer dans le domaine de tes chats pour te débarrasser de moi la conscience tranquille ? »
               Je dois reconnaitre que cette éventualité ne m’avait pas échappé.
               « Tu vois que tu y pensais sale hypocrite »
               « Désolé Bianca mais je n’ai pas d’autre solution. Je ne vais quand même pas passer une annonce dans le journal du genre : jeune souris gracieuse et cultivée cherche souris mâle en bonne santé pour relation amicale et plus si affinités.
               Bianca s’est finale rendue à mon argument et le jours suivants je ne l’ai vue qu’un jour sur deux affamée et silencieuse.
               Comme c’était prévisible elle a trouvé le mari idéal et un matin il y avait deux convives à la table du déjeuner.
               « Je te présente Arsène mon mari, comment le trouves-tu ? »
               « Déjà il n’est pas bavard ce qui me le rend sympathique mais un peu maigrichon »
               « Hippolyte il ne tient qu’à toi de le remplumer. »
               « Vous allez finir par me coûter cher en frais de bouche les tourtereaux ?
               « Ca c’est ton problème Hippolyte et penses bien aux conséquences car n’oublie pas je suis une souris vindicative et j’ai des moyens de te réduire en esclave obéissant si j’en éprouve le besoin. »
               Et mon esclavage a commencé ; deux souris puis 8 souriceaux sont venus chaque matin réclamer leur pitance. Je ne savais plus comment expliquer à ma femme ou passaient les bouts de fromage, les quignons de pain rassis et les demi-tranches de jambon qui sommeillaient dans le frigo.
               J’ai cru pouvoir prendre un peu de repos le jour où mon épouse a décidé de passer le week-end au Mans pour voir ses sœurs. Le samedi matin je ne suis pas allé dans l’atelier. Dimanche matin pris de remord j’y suis allé mais j’ai trébuché sur un manche à balai arrivé là sans raison valable. Ma canne m’a échappé des mains et je me suis écroulé sur le béton à moitié assommé. Je me souviens avoir entendu Bianca crier : « Les enfants à table, il y a de la viande fraîche au menu »

15 juin 2023 J'ai deux métiers

Quand on habite une petite ville de la France profonde les distractions sont rares mais pas introuvables, il suffit de chercher. Quand des amis ou des membres de la famille viennent passer un week-end à la maison il faut nous seulement les nourrir et les coucher mais il faut aussi les distraire. J’ai fini, au fil des années, par constituer un petit catalogue des distractions possibles. Il y a le plan d’eau ou la baignade est autorisée mais tout le monde n’aime pas l’eau. Alors je les emmène au musée du jouet. Succès garanti pour les plus anciens car les jeunes trouvent ça plutôt ringard. Les vieux sont heureux de retrouver leurs souvenirs d’enfance. Pour ceux qui aiment les ruines je les emmène à la tour du Bonvouloir. Succès mitigé et plaisanteries graveleuses incontournables. La chapelle de Saint Antoine a ses amateurs de vieilles légendes. Il ya avait jadis un musée des pompiers mais il a déménagé. Je ne parle jamais du casino, trop source de conflit entre le mari qui veut y faire un tour et l’épouse qui tient les finances du ménage. Il ne faut pas non plus emmener les invités trop loin. Ils ne sont pas venus à la campagne pour passer des heures en voiture. Il y a quelques années j’ai découvert le petit musée d’un taxidermiste assez intéressant pour les jeunes comme pour les vieux. Il m’arrive parfois de m’y arrêter, sans objectif précis, juste pour papoter avec le taxidermiste, un homme aussi charmant que bavard. Il me parle des difficultés de son métier : de moins en moins de gens sont intéressés par les animaux naturalisés sauf les chasseurs qui sont des clients fidèles. Le travail qui le fait vivre consiste à naturaliser le chien d’une vieille dame qui se désole de la perte de son animal adoré. Bien entendu il travaille aussi pour le musée d’histoire naturelle et quelques amateurs étrangers. Quand je l’invite à me parler du concours international qui rassemble les taxidermistes du monde entier il détourne la conversation. Je suppose qu’il a du échouer à un concours.
Mes invités sont toujours surpris de voir monsieur Bayard m’accueillir avec un grand sourire et une poigne de main vigoureuse. Il explique son travail avec enthousiasme et parfois il arrive à vendre à un de mes invités un pigeon ou une fouine naturalisée.
Mon métier d’informaticien m’amène à travailler pour des entreprises assez variées. J’ai écrit beaucoup de programmes de comptabilité pour des entreprises ou des experts-comptables. Depuis deux ans je travaille sur une chaîne de programmes pour les entreprises de pompes funèbres et j’ai commencé à parcourir la France pour installer mes programmes. Les gens qui travaillent dans ce secteur sont toujours ravis de rencontrer quelqu’un qui leur parle d’autre chose que de la perte d’un être cher. Ils ne sont pas avares d’anecdotes plus ou moins scabreuses. Il y a un événement incontournables dans cette profession c’est le salon du funéraire Paris qui a lieu tous les ans au Parc des Expositions Paris Nord Villepinte. On y rencontre aussi bien des fabricants de cercueil que de fourgons funéraires climatisés. Je me souviendrais toujours d’avoir vu l’an dernier un couple d’amoureux tendrement enlacés en admiration devant un cercueil énorme, décoré comme une église mexicaine. Ils étaient attendrissants.
Au détour de l’allée des urnes funéraires je suis tombé sur mon taxidermiste, monsieur Bayard. Je ne pouvais pas me tromper de personne. Monsieur Bayard est facilement identifiable. Plutôt petit, malingre bien que solide et avec une chevelure extraordinaire. De longs cheveux gris éparses, comme prêts à tomber au moindre courant d’air. Il m’a semblé surpris de me trouver là, comme moi d’ailleurs. Je lui ai expliqué pourquoi j’étais sur ce salon et sa méfiance initiale a disparu. Je l’ai invité à boire un verre à la buvette et à son tour il m’a dit ce qu’il faisait dans ce salon spécialisé. En plus de son métier de taxidermiste il était thanatopracteur ce qui lui permettait d’arrondir ses fins de mois en conciliant des activités identiques. Au fil de ses explications j’ai compris pourquoi son local de taxidermiste n’était ouvert au public que le dimanche. Les autres jours il se partageait entre ses deux activités.
Nous nous somme séparés bons amis et j’ai continué à distribuer la plaquette de notre société concernant le logiciel des pompes funèbres.
Comme à chaque fois j’ai mis du temps à sortir des encombrements parisiens et je suis rentré fatigué dans ma campagne. Pendant la route j’ai beaucoup pensé à monsieur Bayard et je ne pouvais m’empêcher de rire silencieusement en revoyant ce curieux personnage.
Les semaines sont passée et j’ai un peu oublié monsieur Bayard jusqu’au dimanche où je suis allé à la brocante qui a lieu tous les ans dans son village. En passant devant son magasin dont la vitrine était ornée d’un énorme ours blanc je me suis dit qu’en partant je m’arrêterais chez lui.
Je n’ai rien trouvé d’intéressant à la brocante et je suis reparti sans oublier de m’arrêter chez Monsieur Bayard. La porte était ouverte mais il n’y avait personne dans la pièce. J’ai attendu un peu en faisant le tour des vitrines. Personne ne venant j’ai ouvert la porte qui se trouvait au fond du local pensant trouver monsieur Bayard trop occupé pour penser aux visiteurs. Il n’y avait personne là non plus. J’étais donc dans la partie atelier du taxidermiste. L’odeur du formol était prégnante et je me sentais vaguement mal à l’aise. Une autre porte s’est ouverte et j’ai vu arriver avec soulagement monsieur Bayard qui bien entendu était surpris de me trouver là. Je me suis excusé mais je sentais bien que ma présence le dérangeait. J’ai voulu partir mais après un court silence il m’a dit : Nous nous connaissons bien maintenant et vous êtes le seul à qui je peux montrer mon chef d’œuvre sur lequel je travaille depuis des années. Puis-je compter sur votre discrétion ? ».  Je l’ai aussitôt rassuré mais il est resté encore un moment à réfléchir comme hésitant encore à aller jusqu’au bout de son premier geste. Il m’a pris par le bras en disant : « Venez voir ».
J’ai vu : trois beaux spécimens de l’espèce humaine étaient exposés dans une vitrine. Vraiment très beaux, comme vivants.
 

18 avril 2022 Démesurées

J’ai longtemps gardé cette histoire dans ma mémoire sans oser en parler à qui que ce soit car elle est trop invraisemblable. Masi il est temps de révéler cette aventure, prélude à d’autres mystères.
J’étais parti voir ma fille comme je le faisais deux fois par an. Le voyage est assez long car elle habite à l’autre bout de la France, vers la frontière suisse. Les premiers kilomètres sont avalés sans fatigue. Mais à partir de Troyes il est préférable de prendre l’autoroute à la fois pour gagner du temps et savourer une conduite plus dolente. Lors d’un voyage qui dure près de huit heures il faut de temps en temps s’arrêter pour se détendre et soulager un besoin naturel. Pendant ma vie active j’ai beaucoup circulé en voiture et je connais bien les aires de repos. Il y en a de toutes sortes, des modestes, des grandioses ou des ridicules. Ce jour là le temps d’automne était au beau. Le ciel s’était débarrassé de son manteau de nuages et le vent s’était fait discret. Un temps parfait pour rouler détendu. La sortie d’autoroute sur laquelle je me suis engagé était comme à moitié obstruée par des barrières en désordre, comme bousculées par une harde de sangliers. Je pouvais néanmoins passer sans difficulté et aucun panneau ne m’interdisait l’accès. J’ai imaginé une barrière posée là pour protéger des travaux négligemment suspendus. Au bout de cette bretelle le parking habituel de ce genre d’endroit et à l’autre extrémité le bâtiment attendu. Le parking était vide et les emplacements de stationnement dessinés sans aucune rigueur. Ils n’étaient pas tous de la même largeur et les traits de peinture blanche n’étaient pas très parallèles. Je me suis garé dans un emplacement éloigné du bâtiment afin de pouvoir marcher un peu et prendre le temps d’analyser le malaise que je ressentais.
L’aspect de l’édifice était déroutant. Habituellement ce genre d’endroit présente une architecture qui se veut originale mais qui se révèle bien souvent assez banale. Là au contraire j’avais en face de moi une tour carrée, d’une hauteur inhabituelle trahissant comme un besoin de grandiose de l’architecte. Le sommet n’était pas crénelé heureusement. Le toit devait être plat, gravillonné certainement.
La porte donnant accès aux toilettes était également de taille inhabituelle, exagérée même. La poignée de la serrure se situait assez haut, presque inaccessible. J’étais de plus en plus impressionné. J’ai ouvert cette porte sans effort, ce qui m’a surpris.
Ma surprise fut encore plus grande quand j’ai vu ce qui m’attendait. Une faïence à la turque comme je n’en avais plus vu depuis mon service militaire mais de proportions énormes : un trou de peut-être cinquante centimètres avec des emplacements pour poser ses pieds de taille propre à accueillir des palmes de plongée sous-marine.  Au mur un réservoir de chasse d’eau antique mais tout aussi disproportionné. Je ne savais quoi faire. Mon regard allait d’un mur à l’autre et des images incroyables me venaient à l’esprit : géants, extra-terrestres,  et je m’apprêtais à fuir cet endroit effrayant par ses proportions quand une ombre m’a indiqué une présence derrière moi.
Je me suis retourné, les nerfs tendus, satisfait de ne pas avoir  encore baissé mon pantalon. Un homme ou quelque chose d’approchant, de taille impressionnante me dominait et me regardait avec un sourire mécanique. Il se tenait les jambes écartées, bien ancrées au sol, et manifestement décidé à m’empêcher de sortir. Son aspect était déroutant, un peu comme une marionnette  faite à la va-vite : cuisses trop courtes et maigres, bras musclés avec excès et torses cylindrique sous un vêtement gris légèrement brillant. J’entendais derrière mois le trou des toilettes glouglouter bizarrement et mon gardien, je ne trouvais pas d’autre mot pour le décrire, ne disait rien  mais son attitude signifiait bien que je ne sortirai pas indemne du piège dans lequel je m’étais laissé enfermé. Il a levé un bras pour me pousser ce qui a déclenché en moi le bon réflexe. Je me suis alors jeté entre ses jambes, j’ai roulé à l’extérieur comme on m’avait appris lors de mon stage de parachutiste et j’ai couru vers mon auto.
J’ai eu bien du mal à tourner la clé de contact, mes mains gagnées par un tremblement irrépressible.
La voie de sortie contournait le bâtiment maudit et passait auprès d’une aire ronde, à la surface métallique, du moins à ce qu’il m’a semblé. De retour sur l’autoroute j’ai mis du temps à retrouver mon calme et mon envie pressante était oubliée, du moins pour un certain temps.
Depuis ce jour je cherche à comprendre ce que j’ai vu jusqu’à ce que je puisse visualiser à nouveau le spectacle que j’avais eu sous les yeux. Tout d’abord j’ai réalisé que les empreintes de chaque côté du trou n’avaient pas la forme habituelle, celle où l’on pose ses pieds. On dirait plutôt l’empreinte d’une  main et j’ai visualisé à nouveau le tuyau de la chasse d’eau. Il faisait un coude et à l’extrémité se trouvait une pièce dont la forme me rappelait celle d’une tétine de biberon. J’en suis maintenant sur : ce n’étaient pas des toilettes mais une mangeoire.

25 mai 2021 le prix de l'entrecôte

Pièce en un acte
Édouard : Majordome
Louis-Joseph de Quatremare : Président
 
- Monsieur le Président, vous à l’office ?
- Et bien Édouard, quel est le problème ? J’ai bien le droit de venir dans ma cuisine ?
- Effectivement Monsieur, mais c’est la première fois depuis 15 ans que je suis à votre service. Quelque chose de grave peut-être ? Un drame familial ?
- Non Édouard Je viens simplement vérifier si vous êtes allé acheter l’entrecôte que je vous ai demandée pour ce midi.
- J’arrive tout juste Monsieur. Elle est là, devant vous sur la table avec la note du boucher.
- Quoi ? 15 euros une entrecôte ? Mais c’est du vol !! Pour ce prix j'espère qu'elle sera bonne !
- Je ferais remarquer à Monsieur qu’elle vient de chez Vincent le boucher du coin de la rue Mignard. Tout le XVIème se fournit chez lui. D’ailleurs Germaine notre concierge pour qui j’en ai acheté une dit comme vous : « c’est cher mais c’est de la bonne viande chez Vincent. » Enfin pas tout à fait comme vous. Car vous dites : « c’est peut-être bon mais c’est cher. » alors que Germaine pense que la qualité justifie le prix : « c’est cher mais c’est bon. » Vous voyez la nuance ?
- Vous ergotez Édouard. Je ne suis pas venu vous voir pour prendre une leçon de sémantique. Vous avez la note de l’épicier aussi ?
- Oui Monsieur, la voici.
Quoi ? 5257,25 euros ?
- C’est pour le mois dernier Monsieur
- Mais c’est énorme !
- Effectivement Monsieur, à peu près quatre fois le salaire mensuel de madame Germaine, salaire de ce mois qu’elle attend d’ailleurs.
- D’accord, d’accord, nous verrons cela plus tard.
- Je me permets d’insister, Monsieur, car l’épicier m’a demandé de vous dire : à moins de régler cette note, il ne nous fera plus crédit.
- Édouard, vous commencez à me porter sur les nerfs en m’accablant que questions que vous avez toujours su  régler sans m’importuner. Savez-vous que si vous persistez je pourrais changer de majordome. Il y a d’autres majordomes stylés et moins chers sur la place.
- Monsieur a tout a fait raison. Mais un vrai bon majordome c’est cher et exigeant aujourd’hui. C’est comme l’entrecôte, quand c’est bon c’est cher.
- Encore l’entrecôte ? Mais vous en faites une idée fixe ?
- Non, non Monsieur, c’est simplement pour vous montrer que la valeur des choses dépend du niveau social et culturel de celui qui en discute.
- Et ça veut dire quoi votre charabia ?
- C’est très simple à comprendre Monsieur : Je prends un exemple : Madame Germaine attend son salaire du mois dernier depuis 15 jours et sait se montrer patiente. En outre elle trouve qu’une bonne entrecôte est forcément chère et vous..
- Quoi et moi ?
-Vous, vous trouvez l’entrecôte trop chère et vous n’avez aucune honte à différer le paiement du salaire de madame Germaine.
- Je ne suis pas venu ici pour me faire donner des leçons de morale !
- Je me permets de rappeler à Monsieur qu’à l’office la parole est libre. Depuis des générations de gens de maison l’office est le seul lieu ou ils ont le droit de parler sans gêne des maîtres et les maîtres respectent ce droit. Si vous ne voulez ps que je parle comme je le fais, ne venez pas à l’office et sonnez moi pour me demander des explications dans votre espace. Vous êtes ici dans notre domaine et vous ne pouvez y parler en maître. Mais revenons au problème de madame Germaine et son salaire. Je voulais simplement expliquer qu’il y a une différence entre les gens de maison et ceux de la classe supérieure et que cette différence n’est pas à l’avantage de cette dernière.
- Je vous vois venir Édouard. Vous voulez me pousser à bout afin que je vous licencie pour pouvoir m’extorquer de l’argent devant les Prud’hommes au prétexte d’un licenciement sans motif valable.
- Non Monsieur, loin de moi ce plan machiavélique. Je suis bien chez vous, le salaire est ridicule mais les à-côtés compensent largement.
- Quels à-côtés ?
- Ce que je gagne en bourse grâce à vous.
- Vous jouez en bourse Édouard, sur mon dos ? Mais vous méritez les Assises mon garçon !
- Je me suis mal exprimé Monsieur. J’ai commencé à jouer en bourse il y a 10 ans quand vous avez fait installer dans l’immeuble une ligne internet avec une box wifi. Au début j’ai fait les mêmes choix de vente ou d’achat, que vous, pour apprendre. Mais j’ai perdu beaucoup d’argent et un jour j’ai joué en faisant les choix inverses des vôtres. A partir de ce moment là j’ai gagné, de l’argent, beaucoup d’argent. Et j’ai fait de bons placements en obligations sûres ce qui fait qu’aujourd’hui, je suis riche alors que vous êtes ruiné.
- Comment ça, vous savez que je suis ruiné ?
- Tout simplement parce que j’ai acheté les actions de vos sociétés au fur et à mesure que vous les vendiez pour trouver du cash et mener votre vie dissolue. Il ne me manque plus que d’acquérir la majorité dans « Enjoy-boys » que vous détenez encore.
- Et pourquoi je vous vendrais ces actions ?
- Parce que je les veux et que je suis le seul à vous en offrir un bon prix. Actuellement elles cotent 10 euros alors qu’il y a 2 ans elles en cotaient 20.
- Et vous m’en offrez combien ?
- Je vous en offre 15
- Non, 17
- C’est 15 et pas un euro de plus
- D’accord. Vous pouvez me prêter 10000 euros ?
- Pas de problème Monsieur le président. Je vous les apporterai au moment du repas, avec l’entrecôte.
- N’exagérez pas Édouard
- Qu’allez-vous devenir maintenant ?
- Je vais cherche un emploi dans mes compétences.
-J’ai bien une offre à vous faire. Nous nous connaissons bien maintenant. J’ai acheté le petit hôtel particulier dans le Marais , tout près d’ici et je cherche un majordome, cela vous tente ?